Rencontre d'experts : Maud Minoustchin intervient sur l’impact et la création de valeur

Au cours d'une table ronde organisée par Le Magazine des Affaires, Maud Minoustchin est revenue sur la stratégie du Fonds Trocadero Environnement & Performances.

Déconnectés de la croissance des PIB et de l’inflation, les actifs infrastructure ont dans leur ensemble plutôt bien résisté. La plupart des grands fonds voient 85 à 95% de leurs actifs corrélés à l’inflation. Après une année 2023 mitigée, les premiers mois 2024 semblent augurer une année à nouveau très active. L’accélération de l’ESG et de l’impact depuis deux ans n’aura fait que renforcer l’intérêt des investisseurs institutionnels séduits par cette approche, créatrice de valeurs. Retour d’expérience avec quelques spécialistes.

 

MdA : Maud, vous êtes occupée par la levée de fonds mais vous regardez aussi des cibles…n’est-ce pas ?

Maud Minoustchin, Trocadero CP  :  Oui,  le  fonds  Trocadero Environnement & Performance investit à la fois dans des pure players de la transition énergétique et dans des entreprises de secteurs plus conventionnels que l’on aide à se décarboner. Concernant les entreprises pure players qui contribuent nativement à la transition énergétique, notre deal flow est très actif à deux niveaux. On observe une activité M&A dense chez les équipementiers de la transition énergétique et notamment dans les métiers du chaud et du froid : fabricants de solution de chauffage solaire thermique, entreprises d’installation de solutions de ventilation, climatisation, récupération des fluides, etc. Il me semble également que l’on voit émerger une nouvelle classe d’actifs situés “derrière les compteurs”. Je veux parler des nouveaux modèles économiques de consommation et production d’énergie et d’eau à une échelle décentralisée :  les  sujets  d’autoconsommation, de traitement et de valorisation des eaux usées sur les sites industriels, de valorisation de la chaleur fatale, sans parler du déploiement des solutions de stockage par batteries qui permettent de générer localement de la flexibilité et  d’optimiser  le  fonctionnement du réseau de distribution électrique. Une fois dérisqués, ces nouveaux modèles économiques deviendront dans  quelques  années  des  actifs infrastructures tout à fait classiques.

 

MdA : Maud, Martine parlait de création de valeur. Comment intégrer l’ESG et l’impact dans ses stratégies de croissance ? Quelle est la thèse de Trocadero CP ?

Maud Minoustchin, Trocadero CP : Nous sommes agnostiques en termes de secteurs d’intervention puisque la thèse de notre fonds est d’investir à la fois dans des pures players de la décarbonation et dans des entreprises qui sont en cours de transition ou doivent amorcer une trajectoire de décarbonation. Notre rôle d’investisseur en private equity consiste à accompagner la croissance des PME tout en mettant ces entreprises sur une trajectoire de décarbonation en ligne avec les objectifs de l’Accord de Paris. Pour cela, nous avons développé une méthodologie et mis en place une boîte à outils au service de nos participations, sous la responsabilité de notre “impact manager” qui fixe leurs objectifs annuels de réduction des émissions de CO2 et les accompagne pendant toute la durée de notre présence au capital. Nous apportons ainsi un véritable soutien opérationnel aux PME qui n’ont pas toujours les ressources humaines ni les outils pour se décarboner. Le but est de verdir ces entreprises qui pourront alors bénéficier d’une prime de valorisation.

MdA : Laurent vous ne financez que des projets verts ?

Maud Minoustchin, Trocadero CP : Le secteur aéronautique est un très bon exemple du signal réglementaire envoyé aux investisseurs. Certains LPs  institutionnels  commencent à interdire d’investir dans toute activité aéronautique qui ne serait pas conforme aux critères techniques environnementaux de la taxonomie européenne. Cette prise de position extrêmement forte a été adoptée par la Banque Européenne d’Investissement qui a décidé dès 2021 d’étendre sa liste des exclusions sectorielles à certains secteurs qui sont intrinsèquement incompatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris.